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Pourquoi le développement personnel peut parfois être culpabilisant

accords tolteques

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de lire un livre de dev perso, d’en appliquer les principes et qu’il ne se passe pas grand chose ? Ou encore d’avoir l’impression qu’une partie de la population a compris le secret du bonheur ultime, et que vous n’en faites pas partie ? Ou tout simplement de vous sentir mal face à un post Instagram sur les 5 étapes pour être en phase avec soi-même ? Si oui, c’est normal. (Lecture : 5min46)

Allo, allo, monsieur l’ordinateur, y’a urgence, où est mon bonheur ?

Gabeline a bien compris que pour vivre sereinement et dans une pluie de lumière et de positivité, elle devait avoir médité, fait du yoga, écrit un flow de pensées, lu, pris une douche, un petit dej équilibré, noté quelques gratitudes et fait du sport AVANT d’attaquer sa journée de boulot. Problème : tout cela lui prend 2 à 3h par jour. Elle a donc opté pour le miracle morning, cette technique qui consiste à se lever à 4h du matin pour s’assurer d’avoir du temps pour soi chaque jour. Le bilan après quelques semaines, c’est qu’elle est crevée, n’a plus de vie sociale car elle s’effondre à 21h, et fait la grasse mat jusqu’à 7h30 un matin sur deux. Cette belle routine de dev perso n’aide pas Gabeline à se sentir mieux, au contraire ; avant elle aimait bien sa vie mais sentait qu’elle gagnerait à être plus centrée sur elle-même, à prendre plus de temps pour elle. Maintenant elle se sent comme une vieille crotte, incapable d’appliquer des conseils hyper simples et qui réussissent à beaucoup de gens sur les réseaux. Est-elle seulement capable d’atteindre le bonheur ? Ou est-ce qu’elle n’a simplement pas les capacités de se créer une vie sereine ? Est-ce que ça veut dire qu’elle est entièrement responsable de tout ce qui se passe dans sa vie et dans celle de son entourage ? Peut-elle espérer être heureuse un jour ?

Cette description vous semble peut-être exagérée, mais je peux vous assurer qu’elle est parfaitement représentative de ce qu’expérimentent un certain nombre de personnes qui viennent me consulter. Elles se sentent nulles et s’interrogent sur leur capacité à être vraiment heureuses un jour. Et franchement, à chaque fois, ça me fend le coeur. 

Comment en est-on arrivé là ?

Vous vous dites peut-être que je suis sacrément gonflée de critiquer le développement personnel alors que j’en ai fait mon gagne-pain. Tout doux, l’animal. Le concept de dev perso, c’est-à-dire cette idée de chercher à se connaître et à évoluer, moi je trouve ça génial. Indispensable même – mais ce n’est que mon avis. Le problème, à mon sens, c’est qu’on a tendance, dans les ouvrages qui traitent du sujet, à présenter des solutions comme des vérités générales, qui s’appliquent à tout le monde. Je ne sais pas vous, mais perso, s’il y a bien un truc que j’ai compris dans la vie, une des rares « vérités » qui existe, c’est qu’on est bien loin de tout savoir, d’avoir tout compris et tout découvert, et ce quelque soit le domaine. Je me rappelle régulièrement que potentiellement, certains des outils que j’utilise et propose à mes client.e.s seront obsolètes dans 5 ou 10 ans. Et puis le dev perso, c’est avant tout proposer des techniques qui fonctionnent… pour certaines personnes et dans certains cadres. Ça signifie que tout ne nous convient pas, et qu’il est important d’essayer des outils, de voir ce qui se passe, puis de choisir de les laisser de côté si on s’aperçoit que ça ne nous convient pas. 

Les injonctions sont légions dans les livres comme sur les réseaux sociaux, même celles teintées de bienveillance comme « Écoute-toi » (c’est un ordre ? Et puis comment on fait exactement, ça veut dire quoi concrètement ?). Les comptes insta avec le plus grand nombre de followers sont ceux qui donnent des conseils présentés comme l’assurance d’atteindre le but souhaité (« 5 clés pour être serein », « les 3 principes à connaître pour une vie épanouie »). On y trouve aussi les « erreurs » à ne pas commettre…. Mais comment savoir si ce qui est une erreur pour 10 000 personnes l’est pour tout le monde ? Comment peut-on être sûr.e qu’on n’a pas, justement, besoin de faire ces « erreurs » pour être en capacité de mieux se comprendre ? Je n’ai pas l’impression que le rythme et l’histoire de chacun soient respectés dans cette affaire. 

L’autre problème, il me semble, c’est le fait de promouvoir une fausse réalité. Je m’explique. Un thérapeute n’est pas supposé parler de lui ou d’elle, en théorie – c’est quelque chose qui, encore une fois, commence à être remis en question partout dans le monde depuis quelques années, mais c’est très très lent. Un fonctionnement qui se poursuit sur les réseaux sociaux où, à force d’expliquer à ses followers comment iels doivent vivre leur vie, certaines personnes apparaissent comme parfaites, comme ayant compris un élément fondamental pour être pleinement heureux.se. Il est arrivé plusieurs fois que des client.e.s me fassent des remarques du type « Oui mais toi, tu es tellement plus avancée que moi », « Oui mais vous, les thérapeutes, vous avez des capacités qu’on n’a pas ».

La réalité n’est pas la réalité

Tout ça, c’est faux. Parfois, moi aussi je laisse de côté la communication non violente et je ne suis pas fière de la façon dont je me suis exprimée dans un conflit. Moi aussi j’ai tendance à dire que « je suis en dépression » alors que je me sens juste un peu triste pendant 3h. Parfois, il m’arrive de ne pas être satisfaite de la façon dont je fais mon travail, ou de me laisser déborder par une émotion. J’essaie de faire attention aux injonctions dans mes écrits, de proposer d’adapter mes outils etc, et malgré tout, quand je relis d’anciens articles ou textes, il m’arrive de m’apercevoir que j’ai, moi aussi, participé à diffuser des injonctions. Je me sens parfois complètement perdue et je continue à apprendre sur moi régulièrement – et j’espère que ce sera le cas toute ma vie. 

Les thérapeutes sont juste des gens qui ont appris un métier. Comme dans toutes les professions, certains sont super doués, d’autres beaucoup moins ; certains savent parfaitement accompagner les autres mais ont des difficultés à appliquer leurs connaissances à leur vie à eux. Bref, on est des humains comme les autres, et on passe par les mêmes stades que tout le monde. Par contre, c’est vrai aussi que, comme c’est notre métier, on a le temps de bosser sur nos problématiques. Travailler sur nous, c’est littéralement la base de notre quotidien et c’est un point hyper important à prendre en compte parce que non, tout le monde n’a pas le temps ni les moyens d’en faire autant.

Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Si vous avez tendance à culpabiliser, à penser que vous êtes nul.le.s parce que vous n’arrivez pas à adopter telle pratique ou tel outil, j’aimerais que vous reteniez une seule chose de cet article : c’est normal, le problème ce n’est pas vous, c’est l’outil (en tous cas dans sa forme actuelle et/ou dans cette période de votre vie). J’avoue avoir du mal à terminer cet article sans partir moi-même dans des phrases vous intimant le comportement à adopter. Alors voilà les ami.e.s, j’ai envie de vous dire de faire ce que vous voulez. C’est une suggestion, pas une affirmation, mais il me semble que prendre du recul face aux infos reçues est toujours une bonne idée. Cela permet de se faire sa propre opinion. Je vous propose ensuite de tester ce qui vous parle, doucement, à votre rythme, et de voir si ça fonctionne pour vous, en éliminant les pistes au fur et à mesure. À vous recentrer sur vos besoins, sur ce qui vous fait du bien, sur la réalité de votre quotidien (qu’est-ce que je suis réellement en capacité de changer actuellement dans ma vie ?). Et puis si votre truc à vous c’est de tout essayer en même temps, ben écoutez, vous faites bien ce que vous voulez et c’est sûrement vous qui avez raison.

J’ai envie de vous partager ce qui me semble être une autre vérité générale – en tous cas j’espère qu’on ne s’apercevra pas dans 10 ans que c’est faux : personne au monde ne sait mieux que vous ce qui est bon pour vous. Donc faites-vous confiance, bordel (et je dis ça sans chercher à vous faire culpabiliser). 

Et vous, est-ce que vous pensez aussi que le développement personnel peut être culpabilisant ? 

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