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J’analyse les paroles de « Y’a rien », de Hatik et Slimane


Récemment Apple Music a sournoisement glissé dans ma playlist « Chill » le morceau « Y’a rien » d’Hatik et Slimane. Pourquoi l’algo a-t-il pensé que je pourrais apprécier ce son? Qu’est ce que ça dit de mes goûts musicaux? Mystère et boule de gomme. Dans tous les cas, « y’a rien » qui va dans les paroles de cette chanson qui regroupe tous les ingrédients d’une bonne relation toxique. Moi, au lycée, j’ai toujours adoré les analyses de texte. Alors mesdames et messieurs, sous vos yeux ébahis, je vais aujourd’hui décrypter pour vous les paroles de cette chanson d’un point de vue coaching et dev perso (Lecture: 6 min 48). 

Préambule

Dans cette chanson, Hatik et Slimane évoquent une rupture. Étaient-ils en trouple et s’adressent-ils donc à la même personne? S’agit-il de deux hommes qui ont choisi de se plaindre en choeur parce qu’ils se sont faits larguer en même temps? On ne saura jamais – sauf si l’un des deux passe dans le coin et nous laisse un commentaire. Pour les besoins de cette analyse profonde, je vais partir du principe qu’ils parlent chacun à une personne différente, mais d’une même voix.

On m’a fait remarquer qu’il pourrait s’agir d’un deuil suite à un décès et non une rupture, ce qui rendrait cet article caduque. Et comme j’ai bien envie de l’écrire, je vais rester sur mon interprétation première, n’en déplaise aux haters #TaylorSwiftSommeilEnMoi

Cet article est évidemment une analyse personnelle, qui n’engage que moi et mon opinion!

Des distorsions cognitives en veux-tu en voilà

Vous souvenez-vous des distorsions cognitives? Ce sont ces filtres mentaux qui nous poussent à voir le monde d’une manière déformée. Rien que le titre de cette chanson est un énorme « tout ou rien ». Littéralement, puisque c’est carrément le nom de ce titre. Ils ont « tout » quand l’autre est là, et « rien » quand elle s’en va. Alors que bon, j’ai regardé: Hatik a actuellement 30 ans, et Slimane 33. Les gars, je veux bien que vous soyez très amoureux, mais si vous avez réussi à survire avant de rencontrer votre « dame », il y a objectivement toutes les chances pour que vous y arriviez après. Ils ont aussi une carrière, probablement des potes et plein d’autres choses dans leur vie. Je sais bien qu’une rupture, c’est pas cool, mais heureusement qu’on ne perd pas tout quand on se sépare, sinon le monde serait rempli de personnes errant sans but tels des zombies.

En plus du « tout ou rien », on retrouve  dans ce texte la présence de la « dramatisation » ou « exagération ».  « J’ai perdu ma chance et j’ai perdu mes sens » nous chantent nos deux compères, comme si on avait qu’une seule chance de trouver l’amour dans notre vie. Ce serait vraiment terrible de penser qu’en vivant en moyenne 85 ans, nous n’avons qu’une seule occasion de trouver quelqu’un qu’on aime et qui nous aime. Et, s’il est vrai qu’un choc émotionnel peut perturber les sens et donner le sentiment d’être désorienté.e, y’a pas de quoi s’inquiéter, ça finit par revenir. 

L’estime de soi au fin fond de ses petites socquettes


L’autre chose qui m’a sautée aux yeux, c’est à quel point nos deux artistes manquent d’estime d’eux-même. « Dans ta main, dans ta main / Y a mon âme que j’t’ai donnée par amour » nous clament-ils. « Offrir » l’entièreté de sa personne à une autre est extrêmement problématique à tellement de niveaux! Ça interroge d’abord sur l’image de soi de cette personne, qui s’en remet à l’autre, comme si elle n’avait pas son mot à dire sur son propre destin. Personne ne devrait jamais décider à notre place de ce qui est bon pour nous, de ce qu’on a le droit ou non de faire, encore moins lorsqu’il s’agit d’amour (je vous renvoie à cet article sur les sacrifices et compromis en couple). Laisser l’autre décider pour soi, c’est à la fois laisser ses besoins profonds de côté, et donner à quelqu’un une responsabilité qui n’est pas la sienne. C’est déjà bien assez difficile de s’occuper de soi, alors s’il faut en plus gérer la vie de l’autre, franchement, bonjour la charge mentale. Et puis si on tombe sur quelqu’un qui n’est pas bienveillant, c’est lui laisser un sacré pouvoir entre les mains.

« Y a rien, plus rien, sans toi, j’suis moins que rien / Y a rien, bon à rien, merci mais pas de rien / Y a rien, plus rien, je n’suis qu’un vaurien / Y a rien, t’es loin, c’n’est pas mieux que rien » nous rappelle en boucle le refrain. Si on avait des doutes sur le niveau d’estime de soi des chanteurs, nous n’en n’avons plus. Leur valeur semble dépendre entièrement de l’autre: si elle est là, qu’elle veut de moi, alors je suis quelqu’un de bien; si elle s’en va, c’est que je suis une merde. Encore une fois, c’est laisser à la fois un énorme pouvoir et une trop grande responsabilité à un tiers. Sans compter que faire dépendre notre valeur des autres est tout simplement épuisant émotionnellement. Ça signifie que si on croise 5 personnes différentes dans une journée, notre valeur change potentiellement à 5 reprises – ce qui peut entrainer des doutes, des questionnements, des remises en question pas toujours nécessaires.

Après tout ça, rien d’étonnant à ce que Hatik et Slimane poursuivent leur plainte en disant: « Quand tu t’en vas, moi, je tombe et je crie / Je tombe et je crie « t’es où? » » (« pas là », répond Vianney en passant la tête par la porte, sourire aux lèvres et guitare à la main). Là encore, on fait face à deux individus qui ont comblé leur besoin de sécurité en le faisant entièrement reposer sur une autre personne et, forcément, quand elle s’en va… ils tombent.

Relation toxique: mode d’emploi

Bon bon bon, jusqu’ici, on pouvait se dire que ok, Hatik et Slimane exagèrent un peu mais que c’est bien normal de se sentir mal et d’en faire des caisses quand on vit une rupture. Sauf que perso, je vois beaucoup d’éléments d’une relation toxique dans ces paroles. Et ça commence dès les premiers couplets: « Dans ma main, dans ma main / J’ai une lame ». Euh… C’est à dire les garçons? On parle bien d’un couteau? Je ne sais pas si c’est le sens voulu, mais moi je vois deux possibilités qui se dessinent ici: soit on est sur du chantage affectif du type « si tu t’en vas, je vais me faire du mal à cause de toi » – ce qui est ultra toxique; soit une menace « si tu t’en vas, je vais te faire du mal à toi » – ce qui est absolument scandaleux et hors de la loi. Si vous voyez une autre interprétation possible, s’il vous plait, glissez la dans les commentaires! En tous cas, menacer l’autre de se faire du mal ou de lui en faire, physiquement ou émotionnellement, dans le cadre d’une relation (couple, amis, famille, travail…) sont deux situations très toxiques et qui sont dans la rubrique « protège-toi, demande de l’aide, tu es en danger » du violentomètre

C’est aussi le cas des reproches répétés. Et que disent nos deux amis à plusieurs reprises à l’être soi disant aimé?  « T’as pensé qu’à toi / Et moi, et moi, as-tu pensé à moi? / As-tu pensé à moi? Non Toi, t’as pensé à toi ». Bah oui, effectivement, elle n’était probablement pas bien dans cette relation (les mecs, je rappelle que vous prenez un couteau dans la mano lors de la rupture, Nabilla style…..) et a choisi de se préserver en se cassant. Donc oui, elle a pensé à elle et elle eut bien raison de le faire! Chacun.e est responsable de ses émotions: on a le droit de mal vivre une situation, mais ce n’est pas la faute de l’autre si on est malheureux.se. Qu’aurait dû faire la femme de la chanson? Se forcer à rester dans une situation qui ne la rend plus heureuse pour s’assurer que son ex ne soit pas triste? Accessoirement, les gars, si vous aussi vous étiez centrés sur vous et pensiez un peu plus à vous occuper vous-même de votre bien-être, vous ne seriez pas dans cet état, donc je vous conseille vivement de prendre exemple au lieu de critiquer.

« Dis-moi où tu vas, j’te retrouverai en fermant les yeux / Juste en suivant ton parfum » bon là on est clairement sur un stalker, qui se prend pour un chien renifleur. Y’a-t-il autre chose à dire sur le sujet? Je ne crois pas. 

C’est juste une chanson 

Comme je le disais dans l’intro, ce morceau s’est glissé dans une de mes playlists. En l’écoutant au départ, savez-vous ce que je me suis dit? Vous pouvez tenter de le deviner si vous le souhaitez, mais pas sûre que ça ait grand intérêt puisque je m’en vais de ce pas vous le révéler. Je me suis dit: « ok c’est pas trop mon style, mais ça reste une belle chanson d’amour ». Ce n’est qu’après plusieurs écoutes (ne me jugez pas, merci) que j’ai pris conscience du caractère à mon avis problématique de cette chanson qui, je crois, ne parle pas d’amour et me donne plutôt envie d’envoyer Slimane et Hatik tout droit en thérapie.

Le problème, c’est qu’on est abreuvé.e.s de chansons de ce type. Des paroles qui décrivent en apparence une histoire d’amour et qui sont en réalité vraiment problématiques. Ce qui nous nourrit donc au quotidien, c’est que l’amour, c’est ça: s’en remettre entièrement à l’autre, lui laisser la responsabilité de sa vie et de ses émotions, menacer, pleurer, stalker et crier à la fin du monde en cas de rupture. Et puis que penser à soi, c’est mal et ça revient à faire de la peine à l’autre. En gros, ça nous pousse à normaliser les relations toxiques.

Alors je sais que c’est plus intense d’avoir ce type de paroles que d’autres qui diraient globalement: « Je t’aime et tu m’as quitté / J’te jure, j’en ai chié. Mais c’est mieux pour nous deux / Vas-y soyons heureux. J’vais pleurer un bon coup / Hurler la nuit comme un hibou. Je sais qu’à terme, ça ira mieux / Et que secs seront mes yeux. On a appris plein de choses / Viens on évolue si tu oses ». M’enfin est-ce qu’on ne peut pas trouver une façon de vivre des ruptures en chanson en disant qu’on est triste sans pour autant exagérer, et blâmer ou menacer l’autre? 

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