Théorie de la balançoire : confiance en soi et relations déséquilibrées
Me voici de retour après 3 semaines de vacances pour vous parler d’un concept qui permet de mieux comprendre nos relations aux autres. On grandit avec l’idée que dans la vie, il y a toujours un gagnant et un perdant, que nous devons imposer notre point de vue aux autres… D’ailleurs, nous vivons avec l’idée extrêmement cheloue et contradictoire que nous sommes tou.te.s égaux mais que nous n’avons pas tou.te.s la même valeur. Tout cela nous pousse à entretenir des relations déséquilibrées qui sapent notre estime de nous et sont mentalement épuisantes à gérer. Grimpez dans mon bus magique à la découverte de la théorie de la balançoire. (Lecture : 4min46)
C’est quoi le concept ?
D’abord, je me dois d’être honnête avec vous : ce concept ne s’appelle pas réellement « la théorie de la balançoire ». Je l’ai renommé comme ça pour de pures raisons esthétiques et marketing (c’est plus sympa et c’est plus joli). En fait, on parle ici de la théorie du « you’re ok, I’m ok » (« je suis ok, tu es ok ») développée à la fin des années 60 par le psychiatre américain Thomas Anthony Harris. L’idée, c’est que la vie est comme une balançoire – ouais je change le nom du truc, mais je ne le sors pas de nulle part non plus.
On ne parle pas ici de la balançoire sur laquelle on peut monter plus haut que les ailes des oiseaux en faisant balancer ses jambes d’avant en arrière. On parle de celle qui demande d’être deux personnes, chacune assise à une extrémité, et qui monte et descend, autrement appelée « le tape-cul ». Selon Harris, la vie, c’est cette balançoire. Soit on est en haut et on place les autres en dessous de nous ; soit on se dévalorise et on place alors automatiquement les autres en haut de la balançoire.
On peut donc se retrouver dans 4 positions différentes :
1. je ne suis pas ok, tu es ok (je suis en bas, t’es en haut)
2. je ne suis pas ok, tu n’es pas ok (la balançoire est pétée et tout le monde est par terre)
3. je suis ok, tu n’es pas ok (je suis en haut, t’es en bas)
4. je suis ok, tu es ok (on a trouvé un point d’équilibre et on est tou.te.s les deux dans les airs)
Comment ça se manifeste ?
Précisons avant tout que, toujours selon Harris (encore lui mais bon, c’est sa théorie après tout), la position la plus répandue est la première. En effet, on grandit majoritairement avec des parents qui nous expliquent qu’en tant qu’enfant, on doit se taire et faire ce qu’on nous dit. On nie l’individualité de l’enfant, qui n’est pas perçu.e comme un être humain à part entière mais comme un prolongement de soi à qui on doit expliquer la vie. On lui impose ses idées comme une vérité générale ainsi que ce qui a été décidé comme étant « normal » par la société. Les enfants comprennent donc qu’ils valent moins que les adultes, qu’ils sont en bas de la balançoire. Ça fait donc, plus tard, des adultes qui manquent de confiance en eux et qui cherchent perpétuellement à se comparer aux autres pour déterminer leur valeur.
Parce que c’est bien de ça qu’il s’agit ici : qui de nous deux vaut mieux que l’autre ? Ça signifie que notre valeur change régulièrement en fonction de la personne qui nous fait face. Si l’autre est mieux que moi, alors je suis nul.le et je vais adopter un langage et un comportement allant dans le sens de la soumission. Si l’autre me parait nul.le, alors je passe en haut de la balançoire et en mode mépris du même coup. Là encore, j’en adopte le langage et les actions.
De déséquilibres en rapports de force
On retrouve ce mode de fonctionnement partout : dans les relations familiales, amicales, amoureuses, au travail… On parle de « rapports de force » ; on doit trouver un.e gagnant.e et un.e perdant.e, on doit se battre pour savoir qui chopera la place du haut et aura ainsi le plaisir de pouvoir mépriser l’autre. C’est notamment ce qui explique qu’une personne qui manque cruellement de confiance en elle puisse apparaître comme hautaine : en agissant ainsi, elle tente simplement de gagner la place en hauteur histoire de se rassurer un petit coup sur sa valeur.
Comme nous passons majoritairement notre temps en bas de la balançoire, à regarder les autres s’envoler vers le firmament, on se remet sans cesse en question, on n’ose pas suivre nos envies, on se compare aux autres, on se repose sur l’avis des autres parce que le nôtre n’a peut-être pas vraiment d’intérêt…. C’est épuisant mentalement et ça prend une place dans notre cerveau qui pourrait être consacrée à autre chose (des projets, prendre soin de soi, exprimer sa créativité…). Et puis, parfois, quand on fait face une personne qui se situe encore plus bas que nous, la balance s’inverse brutalement. On se met à se comporter d’une manière inhabituelle, à donner des leçons, à se mettre en avant, à mentir même parfois pour prendre encore plus de hauteur. On sort de là un peu perdu.e, en se demandant pourquoi on s’est comporté.e comme ça.
Combien je vaux ?
Il est donc question de valeur ici, de déterminer qui pèse le plus dans le grand game de la vie. Qui est mieux que l’autre. C’est peut-être juste moi, mais à mes yeux ça n’a aucun sens. Ça revient, ni plus ni moins, qu’à supposer que la vie des uns vaut mieux que la vie des autres. Genre : « si Donatilde crève, ce sera moins grave que si c’est Hélodien ». Toutes les vies humaines n’auraient donc pas la même valeur. Ça suppose aussi qu’il existe un référentiel précis et irréfutable pour déterminer qui est une bonne personne et qui ne l’est pas. Des sortes de cases à cocher pour être du bon coté du tape-cul.
Et…. ce référentiel existe, d’une certaine manière. Ce sont toutes les normes / injonctions sociales qui déterminent notre valeur. Sauf qu’en réalité, elles correspondent à assez peu de personnes, ce qui contribue à nous laisser les pieds au sol sur la bascule de la vie. Puisque la personne que je suis n’est pas assez bien pour répondre aux critères d’une « personne bien », alors j’ai raison de penser que je suis nul.le.
On oublie cependant que, si ce guide de la « bonne personne » existe, il ne remplit pas le second critère qui consiste a être irréfutable. Il suffit, pour s’en apercevoir, de regarder l’évolution de ce cahier des charges au fil des siècles. Aimer son enfant nous paraît aujourd’hui être la base, quand il y a seulement quelques siècles, un enfant n’était qu’une bouche de plus à nourrir le temps qu’il puisse devenir de la main d’oeuvre. Entretenir des relations extra-conjugales n’a longtemps pas été un problème, puisque de toute façon, on ne se mariait pas par amour. Bref, tout change, tout évolue : les normes d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui qui ne seront pas celles de demain. On ne peut donc pas se fier à ce référentiel pour estimer sa valeur.
Que se passerait-il, à votre avis, si on arrivait à considérer tout le monde avec le même niveau de valeur, et à passer la majorité de notre temps dans la position 4 de la balançoire ?