Distorsion cognitive 9: l’étiquetage
Vous souvenez-vous de la 3ème distorsion cognitive? Il s’agit de la généralisation, ce filtre qui nous pousse à faire de notre cas une généralité (comme le veut cette belle expression tant employée pendant nos années collège pour avoir une répartie de ouf). L’étiquetage en est une forme extrême et ciblée sur les actions. C’est en partie de là que viennent nos croyances limitantes – comme quoi, tous les chemins mènent à Raiponce. (Lecture: 2 min 52)
« On les met tous dans des boîtes, petites boîtes toutes pareilles »
A priori, vous avez déjà entendu au moins une fois une phrase du type: « de toute façon, une fois qu’on t’a collé une étiquette, c’est dur de s’en défaire ». Elle résume absolument parfaitement cette distorsion! La généralisation, c’est penser que si quelque chose se produit plusieurs fois, alors c’est qu’elle se produira toujours de cette manière; l’étiquetage, c’est décider qu’une action définit qui vous êtes ou qui est la personne qui vous fait face.
Imaginons par exemple, que vous preniez un verre (enfin!) avec votre crush. Stressé.e comme pas deux*, vous voilà qui, dans une tentative un brin fébrile d’attraper votre virgin mojito d’un geste à la fois cool et sexy sans le faire exprès, renversez votre breuvage sur la table. Plutôt que de se dire que vous êtes intimidé.e, ou même prendre ce non événement pour ce qu’il est (c’est à dire et bien… un non événement), votre crush est victime d’étiquetage abusif et en conclue que vous êtes maladroit.e. Il ou elle n’hésitera pas à vous le ressortir des mois plus tard, soit via un subtile « c’est fou, cette maladresse! Je l’ai vu direct quand tu as renversé ton mojito lors de notre premier date » ou grâce à un « c’est marrant finalement tu es moins maladroit.e que ce que je pensais » plein d’étonnement.
* je m’interroge soudainement sur le sens de cette expression…
Etiqueter les autres
Qu’on le veuille ou non, nous avons tous plus ou moins tendance à sortir notre plus belle Dymo et à étiqueter notre entourage à tour de bras. On va répéter son discours longuement avant d’avouer à Gédéon qu’on a troué les chaussettes qu’il nous a prêté car « le mec est hyper susceptible », on préfère cacher une partie de la vérité à ses parents ou son conjoint parce que ça serait forcément mal pris, les connaissant. Nos exs peuvent rapidement devenir une bande de connards ou connasses à qui on ne sait pas, franchement, ce qu’on a bien pu trouver un jour – étiquette posée sur la seule action qui précède la rupture.
De la même façon, vous avez sans doute connu cette période un peu étrange qui a suivi votre départ du cocon familial. Vous avez évolué, fait de nouvelles rencontres qui vous ont transformé, appris de nouvelles compétences… En quelques années seulement, vous voilà devenu une personne tout autre. Pourtant, chaque fois que vous retrouvez vos proches, on vous ressort vos vieilles étiquettes à grands coups de « de toute façon, toi tu es comme ça » et son meilleur pote « ça m’étonne de toi, ce n’est pas ton genre de réagir de cette manière ». Vous n’êtes plus la personne qu’ils décrivent, et ils n’arrivent pas à l’intégrer. Relou, on va pas se mentir.
Dans un monde idéal et merveilleux, on aborderait chaque nouvel échange avec autrui en se rappelant, certes, que Marie-Grenadine peut se montrer sensible et que Néobald a tendance à se mettre en colère facilement, mais en se focalisant surtout sur le fait que ce ne sont que des possibilités et non des certitudes. Peut-être qu’alors, on aborderait la discussion différemment, en se concentrant sur notre propre ressenti plutôt qu’en tentant d’anticiper celui des autres et qu’on obtiendrait ainsi des réactions différentes. Allez savoir….
S’étiqueter soi
Étiqueter les autres à tout va a clairement un impact sur nos relations, mais cette distorsion peut être encore plus nocive lorsqu’on se l’applique à soi. Si vous avez pensé, en lisant cette phrase, que vous n’étiez pas concerné.es, permettez-moi de vous contredire en toute bienveillance et sans jugement (plus ou moins).
Bien que je crois fermement qu’il y ait forcément d’autres formes de vies dans l’univers, je vais, pour des besoins évidents, partir du postulat que vous êtes humain.es. Vous avez donc forcément des croyances à votre sujet, quelles soient positives ou négatives. Peut-être vous considérez-vous intelligent.e, bienveillant.e, généreux.se, créatif.ve…. Peut-être pensez-vous être dépourvu.e de sens du rythme, avoir une mauvaise culture générale ou être une personne particulièrement émotive. Chaque fois que vous pensez ou dites « moi, je suis comme ça », vous énoncez une étiquette que vous avez décidé de vous auto-collée telle les tatouages temporaires des paquets de Pitch. Alors qu’à tout moment, vous pourriez décider de changer l’intégralité de la personne que vous êtes. Cela n’a pas toujours d’intérêt (se convaincre qu’on est stupide alors qu’on se pense intelligent.e, bah… non), et n’est pas faisable d’un seul coup, mais c’est important d’avoir conscience du fait que rien n’est ancré et qu’on peut travailler sur tous les aspects de notre personnalité.
Ces étiquettes peuvent également nous bloquer dans notre vie. Par exemple, on peut se persuader qu’on aime pas le sport et que ce n’est pas pour nous, parce que ça n’a jamais été notre fort à l’école. Alors qu’en fait, on n’a peut-être simplement pas encore trouvé le sport qui nous correspond. On peut se convaincre qu’on n’a rien à apporter aux autres sous prétexte qu’on n’a jamais été décisionnaire dans le choix d’une rupture. Se flageller toute sa vie en pensant qu’on ne prend que des mauvaises décisions, avec pour preuve ce jour d’été 95 où on a commis l’erreur irréparable d’avouer aux filles de sa classe qu’on jouait encore aux barbies, suite à quoi toute l’école s’est copieusement foutu de notre gueule en nous surnommant « l’attardée » (avec affection et pour rire, bien sur).
Pour se défaire de ses étiquettes, il existe une recette simple et magique: prendre conscience qu’on peut changer, et le faire. Se prouver qu’on est capable d’évoluer est la meilleure façon de sortir des croyances, des jugements, et de tout ce qui nous enferme. On y reviendra plus longuement dans un prochain article. Stay tuned.
Toujours très intéressant et agréable à lire !
Merci beaucoup Margot 🙂
D’accord avec Margot…:-) + Les étiquettes: source de souffrance et d’intolérance, même les positives parfois: ( vivre à la hauteur de l’image )
Merci 🙂
Vivre à la hauteur d’une image me semble être une étiquette négative, même si l’image est positive. Non?