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Distorsion cognitive 11: l’accusation

La voici, la toute dernière distorsion cognitive! Le mois dernier, nous parlions de personnalisation, cette tendance à se penser responsable de tout. En toute logique, voici son double maléfique, celle qui consiste à blâmer tout et tout le monde…. sauf soi-même. (Lecture: 3mim42)

C’est pas ma faute à moi, si tout le monde….

On ne va pas tergiverser pendant mille ans sur le sujet. On connait tou.tes une personne qui adore se victimiser, et parfois même, cette personne, c’est nous. C’est toujours plus facile, plus confortable et plus agréable de se dire que tout ce qui nous arrive de négatif est dû aux autres, à la météo, à l’univers, à la société ou au chien du voisin.

Alors attention, il arrive que cela soit vrai. Par exemple, je comprendrais que vous me blâmiez parce que j’ai choisi un titre à ce paragraphe qui vous a collé « Lolita » en tête pour le reste de la journée. Peut-être qu’effectivement, cette promo au bureau vous est passée sous le nez uniquement parce que Gervaise apporte des gâteaux toutes les semaines au comité de direction, et c’est vrai que s’il n’avait pas plu pendant 6h non stop, le week-end de camping sauvage se serait déroulé autrement.

Il y a cependant une différence entre se dire, de temps à autre, que sur ce coup là, on n’a rien pu faire, et passer sa vie à tout justifier en accusant tout le monde, sauf nous, à ne jamais prendre la moindre miette de responsabilité dans nos actions. 

Des conséquences pas cool 

A-t-on vraiment intérêt à trouver un.e coupable externe à tous nos maux? A priori, j’ai envie de dire non. Accuser les autres revient à donner du pouvoir à des gens ou des circonstances sur lesquels nous n’avons aucun contrôle. Rien. Nada. C’est un peu comme se dire que nous ne sommes ni plus ni moins qu’un vieux morceau de bois emporté par le courant de la rivière; on est là, inerte, impuissant.e, sans autre choix que de se laisser porter. On ne choisit pas sa destination et on se prend de grands coups dans la figure chaque fois que le mouvement de l’eau nous projette contre un rocher. SU-PER. 

Abuser de ce filtre mental finit par détruire notre estime de nous. On peut vite se retrouver à ne plus rien faire, totalement déprimé.e et à attendre que la vie passe ou qu’un miracle de l’univers se produise soudain. Vous connaissez l’expression « la chance, ça se provoque »? Il semble que ce processus soit le même avec les miracles. Je veux dire, peut-on espérer être un.e miraculé.e de Lourdes si on attend patiemment que ça soit Lourdes qui ramène ses fesses jusqu’à nous? Tel.le un.e Lagardère du 21ème siècle, si le miracle ne vient pas à nous, c’est à nous d’aller à la montagne. 

De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités

Si en entendant cette phrase, Spiderman avait répondu « ouais mais c’est relou, moi j’avais rien demandé, c’est pas ma faute si je me suis fait mordre par une sale araignée! Et en plus quand je tousse dans le creux de mon coude, je balance des toiles sans le faire exprès, trop nulle ma life! », l’histoire aurait été bien différente. Le monde serait envahi de super vilains et nous, on ferait moins les malins. 

Qu’on le veuille ou non, nous n’avons aucun impact sur les circonstances. Personne ne peut contrôler les autres ou la météo (pas même Macron, n’en déplaise aux complotistes). Deux choix s’offrent donc à nous: s’assoir et pleurer – parfois c’est nécessaire et ça fait du bien – ou se demander comment on fait pour avancer malgré tout. En gros, je regarde la situation en face et je fais le tri: les circonstances sur lesquelles je n’ai aucune action d’un coté, et ce qui est de ma responsabilité, de l’autre. Et puis j’agis. Si je n’ai pas eu la promo que je pensais mériter pour une histoire de biscuits, j’ai toujours la possibilité de chercher un autre poste (ou de monter ma boite, ou de me reconvertir…) ou bien je peux trouver une façon de montrer ma valeur à mes supérieurs; voire carrément leur parler de mes ambitions et leur demander comment je peux améliorer mes compétences pour atteindre le poste désiré. Comment est-ce qu’on peut adapter les plans du week-end camping pour que ça reste un bon moment même s’il pleut des torrents? 

Que la solution semble évidente ou non sur le moment, si on prend le temps de chercher, nous avons toujours une part d’action possible, même si c’est juste trouver une façon de se changer les idées ou tracer une nouvelle route parce qu’un pont s’est effondré et bloque celle qu’on voulait emprunter initialement. Ce sera peut-être plus long, ce sera certainement différent de ce qu’on avait imaginé… Mais pourquoi est-ce que cela devrait forcément être moins bien?

Assumer ses pleurs, parait qu’c’est ça grandir*

Il y a un domaine pour lequel nous avons tou.tes tendance, à un moment ou un autre, à utiliser cette distorsion: notre éducation. On se définit en fonction de ce que nos parents nous ont transmis, des traumatismes qu’ont laissé nos soeurs en refusant de nous prêter leurs playmobils (ceci est possiblement un exemple personnel)… Nos parents ont tous foiré des trucs, le plus souvent en essayant de bien faire, dans le maximum de leurs capacités. Et, si à notre tour nous choisissons d’avoir des enfants, nous aussi, on se plantera, parce que si le guide du parent parfait existait, franchement depuis le temps on le saurait. C’est le grand cycle de la vie, comme nous le rappelle Mufasa avec toute sa sagesse de roi des lions. En devenant adulte, il est donc facile de justifier nos choix, nos actions, nos manquements, en tapant sur nos géniteurs et les événements survenus pendant notre enfance ou notre adolescence. Après tout, tout cela a quand même sacrément contribué à nous construire et à faire de nous la personne que nous sommes. 

Mais peut-on devenir pleinement soi, pleinement adulte, si on se contente d’insulter nos parents en leur répétant que si tel aspect de notre vie est un échec, c’est parce qu’ils ne nous ont pas donné confiance en nous, ne nous ont pas assez aimé, nous ont transmis des trucs nuls ou qu’ils n’ont pas été assez présents à notre goût?  Est-ce qu’à un moment donné, il n’est pas plus interessant, plus productif pour nous de se dire que ok, on nous a filé un bagage rempli de cailloux, mais qu’il est désormais de notre responsabilité de décider ce qu’on en fait? Par exemple, on peut choisir de jeter certains de ces cailloux, et de travailler sur soi pour rendre les autres un peu plus petits, et ainsi en faire des poids un peu moins lourds à porter…

*BigFlo & Oli, La vraie vie

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