Distorsion cognitive 5: le phénomène de lorgnette
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Une lorgnette, c’est en fait une sorte de longue vue, comme celle qu’utilisent les pirates pour repérer les bateaux ennemis. Comme les jumelles, cet outil a deux cotés: un qui grossit le paysage, l’autre qui le diminue. Ce n’est donc pas une mais bien deux distorsions qui se cachent sous ce nom énigmatique. (Lecture: 3min32)
L’exagération ou dramatisation
Si vous pensez être une personne réaliste qui envisage toujours la situation la plus probable pour mieux s’y préparer….. mais qu’on vous dit régulièrement que vous dramatisez tout, restez dans le coin. Cette distorsion consiste en effet à amplifier ses erreurs (ou celles des autres) ainsi que leurs conséquences. Et, surtout, à partir d’un seul événement, on invente toute une suite “logique” emprunte de négatif et qui peut s’étaler sur de nombreuses années. Une action somme toute banale devient alors un énorme stress: « mon enfant a eu 5/10 en maths en CE2, c’est très mauvais. Cette matière n’est clairement pas sa force, alors que tout le monde sait à quel point c’est essentiel pour réussir dans la vie. Une fois au lycée, il sera obligé de s’orienter en L*, ce qui va lui fermer toutes les portes…. Et qu’est-ce qu’il va faire après ça? Comédien? Prof de philo? S’inscrire en fac de sociologie? Il n’aura jamais de travail et on va devoir l’entretenir jusqu’à la fin de nos jours. Et après? Est-ce qu’il va devenir SDF? Est-ce qu’on pourra lui laisser assez d’argent pour qu’il puisse subvenir à ses besoins? ».
Ça vous parait saugrenu? C’est pourtant une façon de penser que nous sommes beaucoup (beaucoup) à pratiquer. Se projeter dans un futur hypothétique dans lequel tout est négatif n’a rien de réaliste. Cela revient simplement à décider arbitrairement que parmi les milliers de possibilités, c’est forcément celle qu’on a imaginé qui va se produire. Si vous avez tendance à penser de cette manière, je vous invite à contempler tous les scénarios imaginés passés et à les confronter à la réalité. Combien ce sont effectivement réalisés? Probablement très peu, voire carrément aucun.
Rappelons nous que notre cerveau ne fait pas la différence entre le vrai et le faux. Chaque fois que vous vous dites que votre faute d’orthographe dans le titre du dossier Bidule va vous faire virer, pourrir votre réputation et vous obliger à rentrer vivre chez vos parents, ou encore que votre crush a forcément repéré votre bouton sur le nez, que c’est pour ça qu’il.elle ne répond plus à vos messages et que vous allez certainement finir seul.e à tout jamais à cause d’un mini bouton mal placé, votre cerveau pense que vous vivez réellement la situation. Concrètement, cela signifie que vous produisez du cortisol, hormone du stress, comme si vous étiez vraiment en train de vivre ce que vous imaginez. Il faut 5h à l’organisme pour éliminer le cortisol sécrété pendant 5 min de stress… Or cette hormone a des effets peu cool sur notre corps: obésité, diabète, hypertension, fatigue physique et musculaire… Tout cela en réaction a une situation qui n’existe pas encore et n’existera peut-être jamais. Est-ce que ça en vaut bien la peine?
*je sais que ça a changé mais je n’ai pas compris le nouveau système. N’hésitez pas à me l’expliquer en commentaire. Merci.
La minimisation
Voici l’autre coté de la lorgnette, en apparence plus cool et pourtant toute aussi stressante. Cette fois ci, il s’agit de minimiser, voire de ne pas reconnaitre du tout ses qualités et ses compétences. Contrairement au rejet du positif, on n’accorde pas ici ses réussites au hasard ou à la chance. On les explique tout bonnement avec l’idée que « c’est facile ». Tout ce que nous sommes en capacité de faire est normal et ne requiert aucun talent particulier. C’est la base! Tout au plus s’accordera-t-on le droit de dire que oui, c’est vrai que ça nécessite un peu de travail tout de même. Mais c’est faisable.
En quoi cela est-il est source de stress, me demandez-vous au loin, à travers votre écran? Et bien Fred, comment peut-on avoir confiance en soi et en ses capacités si on s’estime sans talent? Et si tout le monde peut faire ce que je fais, alors n’importe qui peut, tout à coup, arriver et prendre ma place. Je suis remplaçable, éjectable, sans valeur ajoutée. Moi ou un.e autre, ça ne fait aucune différence que ce soit au travail, en amitié ou en amour. Et quid du syndrome de l’imposteur? Si on me répète que ce que je fais est super, mais que j’estime que ce n’est vraiment pas grand chose, il est assez probable que je m’enferme dans une peur permanente de décevoir, de ne pas être à la hauteur. Cette distorsion a également tendance à rendre celleux qui la pratiquent un poil intolérant.es: si tout ce que je fais est normal et facile, alors celleux qui n’arrivent pas à faire comme moi sont nul.les et ne font vraiment aucun effort. Parce que, on le sait bien : « c’est quand même pas bien compliqué de…… ». Selon le même principe, lorsque je n’arrive pas moi-même à faire quelque chose de “simple”, je m’auto-insulte et me trouve nul.le, me concentrant sur ce que je n’arrive pas à mettre en place et omettant tout ce que j’ai déjà accompli. A l’inverse, je peux aussi rapidement me laisser décourager avant même de commencer quoi que ce soit: puisque je considère normal ce pour quoi je suis doué.e, alors tout ce qui me demande trop d’efforts me parait insurmontable et “pas pour moi” (par chance, on a tous plein de croyances limitantes qui viendront justifier notre inaction à grands coups de “je n’ai pas de volonté”, “je ne suis pas persévérant.e”, “de toute façon je vis trop mal le stress pour m’en rajouter”…).
Rappelons que, qu’on amplifie ou minimise la réalité, la source de notre stress est encore et toujours la même: nos pensées. Il est alors conseillé de revenir aux faits (ce qu’on peut prouver devant un tribunal) et à ce qui se passe là, maintenant; de se rappeler que nul ne connait le futur et qu’on est en train de stresser… par anticipation d’une réalité qui n’existera peut-être jamais. Gardons en tête que stresser par avance nous apporte peu, et que si vraiment la situation qu’on craint se produit, il sera toujours temps de stresser à ce moment là. De même, il peut être intéressant de lister ce qu’on a réussi à accomplir dans la vie, de prendre conscience de la diversité du monde et des gens, et de se concentrer sur sa propre évolution au lieu de regarder celles et ceux qui, de loin, ont l’air de faire tellement mieux que nous (alors qu’en vrai, je vous jure, on galère tous).
Et vous, de quel(s) coté(s) de la lorgnette vous trouvez-vous?
euh dans les deux…. OMG 😉
Ce sont probablement les deux plus fréquentes avec le “tout ou rien”, donc je dirais que vous êtes normale et que tout va bien 🙂