Devenir entrepreneur.e?
Etre à son compte, travailler de chez soi… Voilà un concept qui semble omniprésent à notre époque. Qu’on souhaite consacrer sa vie professionnelle à un projet qui nous tient à coeur, dans lequel on se sent utile, ou qu’on aspire à plus de liberté, l’entrepreneuriat interroge et fait rêver. Mais au delà des clichés, en quoi cela consiste-t-il vraiment? Etes-vous fait.e ou non pour cette aventure professionnelle? (Lecture: 5min14).
Être motivé.e par son projet
C’est la première étape clé: se lancer à son compte, oui mais pour faire quoi? L’envie d’être libre prend parfois le pas sur le reste. De nombreuses personnes se lancent dans le premier projet qu’elles ont en tête, ou dans celui qui leur semble avoir le plus de potentiel financier. Je ne jette la pierre à personne, c’est exactement ce que j’ai fais en créant ma première entreprise. J’avais étudié la communication, je voulais avoir mon mot à dire sur le choix de mes clients: j’ai créé ma structure sans vraiment me poser de questions. A l’époque, je ne m’étais à aucun moment demandé si j’aimais mon travail et si, au fond, la vérité n’était pas ailleurs. Mon associée et moi-même avions alors un discours que j’entends depuis régulièrement chez ceux qui privilégient la liberté au projet: « on bosse à fond pour faire grossir la boite, ensuite on la vend et LÀ on pourra faire ce qu’on veut ».
Mais comme nous allons le voir juste après, la vie de chef.fe d’entreprise est loin d’être toute rose, et si notre travail ne nous motive pas assez, cela peut vite devenir bien plus pesant qu’un job de salarié.e. Si votre envie de monter un business est principalement motivée par le fait d’engranger de l’argent pour pouvoir vous consacrer à ce qui vous éclate vraiment plus tard, je vous encourage à bien y réfléchir. N’y a-t-il pas une façon de lancer le projet que vous gardez sous le coude dès maintenant, même si ce n’est pas exactement dans les conditions que vous aviez imaginé? Votre « projet pour faire de l’argent » vous motive-t-il assez pour que vous y consacriez tout votre temps pendant plusieurs années?
Si vous avez 0 idée, je vous suggère ceci: notez votre vie rêvée. Si vous n’aviez aucune barrière (financière, d’étude, familiale…) que feriez-vous? A quoi ressemblerait votre quotidien? Où vivriez-vous? Avec qui? Que feriez-vous de vos journées?
Dans un second temps, réfléchissez à toutes les façons dont vous pourriez rendre cela concret. Si vous avez une super idée mais que « il faut de l’argent / ça ne rapporte pas assez comme job » etc, posez-vous des questions qui vous permettent d’avancer: de combien avez-vous réellement besoin pour vous lancer? Comment trouver cet argent? Y’a-t-il des alternatives pour démarrer avec moins? Comment rendre votre projet rentable? Quelles solutions s’offrent à vous pour vivre en attendant de pouvoir vous verser un salaire? En cas de blocage, qui pourrait vous renseigner? Qui pourrait connaitre les réponses à vos questions? Qui peut vous aider?
La liberté d’être son ou sa propre chef.fe
Ah, le rêve! Plus personne pour nous dire quoi faire, nous imposer des horaires, plus besoin d’attendre la validation d’un tiers pour savoir si on peut poser ses congés du 18 juillet au 7 août cet été. Et, ne nous mentons pas, c’est effectivement une réalité. Si on dort mal une nuit, on peut décaler son réveil le lendemain ou faire 1h de sieste dans la journée, aller prendre son cours de golf le vendredi à 16h ou encore décider de ne jamais travailler le jour de son anniversaire*. Oui, mais… Se lever le matin alors que rien ni personne ne nous y oblige peut être très compliqué, surtout si notre travail nous motive bif bof (vous le voyez, là, l’importance du projet?); s’arrêter le soir, les week-ends, prendre des jours de repos ou des vacances quand on est passionné et/ou sous une pression financière et qu’on a la sensation que chaque seconde compte pour faire passer notre business à la prochaine étape n’a rien de facile; être capable de s’auto-évaluer pour ne pas produire un truc pourri ni passer 100h sur un dossier qui était déjà super au bout de 20h demande une sacré connaissance de soi et de ses capacités; suivant les secteurs, on ne peut pas toujours décider de ses horaires, et il est parfois nécessaire d’adapter ses vacances à l’ensemble de la filière; ne pas avoir de collègues relou, c’est cool, mais ne pas avoir de collègues du tout peut être difficile et procurer un sentiment d’isolement; tout le monde n’a pas les moyens d’avoir un comptable dès le départ, et se retrouver seul.e face à la gestion, la législation et l’administratif peut être un vrai casse-tête…
Libre, l’entrepreneur.e? Oui dans une certaine mesure, mais pas autant qu’on peut se l’imaginer. D’où l’importance, à mon humble avis, de choisir d’abord une activité dans laquelle on se sent épanoui.e avant d’opter pour le plus « cool kid » des statuts. D’autant qu’il est aussi possible d’avoir un job de salarié.e qui nous éclate et qu’on peut pratiquer dans de bonnes conditions.
* ça n’a l’air de rien, mais je vous promets que c’est assez kiffant
Gérer l’entourage
Beaucoup d’entrepreneur.es travaillent depuis chez eux. « La chance! », d’après plein de gens. Et là encore, il est impossible d’affirmer que c’est super ou que c’est affreux, car trop de critères entre en jeu. Personnellement, j’adore travailler chez moi: j’ai le temps de faire des lessives, du ménage mais aussi du sport ou encore de la méditation avant de commencer ma journée, je déjeune chez moi tous les jours et je peux adapter très facilement mes horaires – finir tard ou m’arrêter plus tôt si besoin. Si un.e client.e annule une session à la dernière minute, je peux facilement occuper mon temps et avancer sur une multitude d’autres problématiques, je m’assure de sortir régulièrement voire tous les jours, et je n’ai pas de problème pour développer une vie sociale. Mais cela dépend beaucoup de la personnalité de chacun.e et des conditions dans lesquelles on bosse (avoir un bureau versus travailler dans sa chambre par exemple). Certaines personnes se sentent isolées, d’autres n’arrivent plus à arrêter leurs journées et finissent par être déprimées…
Et puis c’est sans compter l’entourage.. Même si j’espère que le télé-travail dû au confinement aura permis au plus grand nombre de mieux comprendre les difficultés liées au fait de travailler chez soi. Sous prétexte que vous pouvez adapter vos horaires et que vous êtes à la maison quoi qu’il arrive, les autres peuvent se montrer hyper exigeants! Propositions de dej à l’autre bout de la ville car « de toute façon tu t’en fous, tu peux t’arrêter 2h si tu veux », ami.es qui débarquent 1h plus tôt que prévu car « j’étais dans le coin, je savais pas quoi faire », conjoint qui rentre avec des collègues ou des potes…. Il peut être vraiment galère de faire comprendre à son entourage qu’être à son compte ne signifie pas être dispo tout le temps et pouvoir modifier son emploi du temps toutes les heures si ça nous chante. Cela nécessite donc de savoir poser ses limites et faire valoir l’importance de son travail, même si celui-ci n’est pas – encore – rémunérateur.
L’entourage, cela peut aussi inclure des personnes qui se sentent le droit de vous expliquer comment faire votre travail alors même qu’elles n’y connaissent rien, et de juger chacun de vos choix.
Le gout du risque
Entreprendre, c’est aussi prendre le risque de sortir des cases et d’échouer. On a beaucoup moins d’avantages que les salariés – oui on peut prendre nos vacances quand on le souhaite… mais elles ne sont pas payées ! – et une bonne tonne de soucis dont on a soi-même pas idée quand on se lance dans cette grande aventure. Lorsqu’on veut louer un appart, acheter une voiture ou un logement, ça se complique encore. Ce n’est donc pas un mode de vie qui conviendra à tout le monde. Et si un parcours de créateur.trice d’entreprise est admirable aux yeux de certaines personnes, ce n’est malheureusement pas une généralité, en tous cas pas encore.
J’ai créé ma première entreprise à 21 ans. Lorsque, quelques années plus tard, je cherchais un poste de salariée, cette ligne de mon CV, loin de susciter l’admiration des recruteurs, soulevait toujours la même question: « quel est votre problème avec l’autorité? ». J’avais beau expliquer que je devais rendre des comptes à mes clients et qu’il restait une dimension hiérarchique, ou tout du moins une forme de pression, personne ne se laissait convaincre par mon explication. C’est important je crois, de s’en rappeler avant de se lancer si votre plan B est de retrouver un Cdi dans un secteur qui ne croule pas sous les offres d’emploi. Non, une expérience d’entrepreneur.e n’est pas toujours perçue comme un plus.
Si je dois résumer mon expérience sur ce en quoi consiste le parcours d’entrepreneur.e je dirai ceci: c’est d’abord faire preuve d’envie pour un projet qui nous motive énormément, et dont découle des conditions de vie qui nous conviennent; c’est être capable de juger son propre travail, à sa juste valeur; s’auto-discipliner y compris les jours où l’envie nous quitte; accepter de ne pas être toujours performant.e; c’est pouvoir rebondir, créer sans cesse, imaginer de nouvelles façons d’aller de l’avant y compris et surtout dans les moments difficiles; c’est une grande capacité d’adaptation; c’est savoir solliciter de l’aide quand on se sent dépassé, et donc être conscient.e de ses forces et de ses limitations; savoir gérer ses émotions pour survivre aux montagnes russes par lesquelles on passe (de l’espoir à la déception et inversement, NON STOP) ; ne pas être phobique de l’administration (genre, vraiment pas). C’est aussi, si ce mode de vie nous correspond, se sentir libre et épanoui.e, limiter au maximum le nombre de contraintes dans sa vie, pouvoir adapter son rythme de travail à son rythme de vie plutôt que l’inverse, rencontrer des gens qui ont un fonctionnement similaire au notre, apprendre sans cesse, varier ses activités, ne jamais tomber dans l’ennui et se créer une vie professionnelle sur mesure…
Si vous hésitez à vous lancer dans l’aventure entrepreneuriale, j’espère de tout coeur que cet article aura pu vous apporter des éléments de réponses! Vous pouvez poser toutes vos questions en commentaire. Et si vous êtes vous-même entrepreneur.e, complétez cet article en racontant votre expérience ci-dessous!